mercredi 9 janvier 2013

Scolarisation des enfants handicapés : évolution de l'obligation de l'Etat


Cet article est très largement inspiré de l'article de Sophie André.


Scolarisation : quelles sont les obligations de l'État ? 


En 2007, la cour administrative d’appel de Paris a ainsi considéré que « l’Etat a l’obligation légale d’offrir aux enfants handicapés une prise en charge éducative au moins équivalente, compte tenu de leurs besoins propres, à celle dispensée aux enfants scolarisés
en milieu ordinaire » (CAA Paris, 11 juillet 2007, ministre de la Santé c/Haemmerlin, requête n° 06PA01579)

→ le droit à la scolarisation des enfants présentant un handicap se résume à une prise en charge éducative au moins équivalente à celle des autres enfants.



- TA Cergy-Pontoise, 12 décembre 2008 : ce droit de scolarisation, applicable dès la maternelle ?

« si aucune obligation de scolarité n’incombe aux parents avant que leur enfant, qu’il soit ou non handicapé, ait atteint l’âge de 6 ans, ces derniers bénéficient toutefois d’un droit, dès lors qu’ils en font la demande, à ce que leur enfant soit accueilli, dès l’âge de 3 ans, dans une école maternelle ou une classe enfantine le plus près possible de son domicile »
Cependant, l'Etat fait appel à cette décision, et gagne en Cour d'appel administrative de Versailles le 15 juillet 2010. La cour d'appel annule le jugement n° 0408765 du 12 décembre 2008.



Conseil d’Etat, 8 avril 2009 : caractère effectif de la scolarisation

En 2009, le Conseil d’Etat est allé plus loin en renforçant ce droit pour qu’il soit réellement effectif.
Ainsi, « le droit à l’éducation [est] garanti à chacun quelles que soient les différences de situation », énonce la Haute Juridiction, et « l’obligation scolaire s’appliquant à tous, les difficultés particulières que rencontrent les enfants handicapés ne sauraient avoir pour effet ni de les priver de ce droit, ni de faire obstacle au respect de cette obligation. Il incombe à l’Etat, au titre de sa mission d’organisation générale du service public de l’éducation, de prendre l’ensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour que ce droit et cette obligation aient, pour les enfants handicapés, un caractère effectif » (Conseil d’Etat, 8 avril 2009, requête n° 311434).




Obligation de scolarisation : entre l'obligation de moyen (Etat non fautif) et l'obligation de résultat (État fautif)

- TA Lyon, 29 septembre 2005 : L'État, après avoir cherché sans trouver une structure d'accueil disponible et adaptée, n'est pas fautif de ce manque.

Pour le tribunal administratif, il n’y a pas eu faute de l’Etat dès lors que « les services de celui-ci ont sérieusement recherché une solution satisfaisante compte tenu des possibilités concrètes d’accueil et du degré d’invalidité de l’enfant »
En résumé : les services de l'État ont mis beaucoup de sérieux pour rechercher quelque chose d'adapté : ce n'est pas de leur faute si ils n'ont pas pu trouver. Responsabilité sans faute.


CAA Paris, 11 juillet 2007 : L'État est responsable du manque de possibilité de scolarisation, même si en pratique ce manque ne peut être comblé.

Obligation de résultat : l'État est tenu d'obtenir un résultat (en l’occurrence, offrir aux enfants handicapés une prise en charge éducative au moins équivalente, compte tenu de leurs besoins propres, à celle dispensée aux enfants scolarisés en milieu ordinaire) peu importe la réelle possibilité d'accéder à ce résultat (résultat  matériellement impossible).
L'État n'a pas réussi à obtenir ce résultat : il est fautif, et peu importe si il a cherché, ou si ça n'était pas possible matériellement de remplir cette obligation.

→ l'État a été tenu à une obligation de résultat.
Raisonnement similaire tenus par la Cour administrative d'appel de Marseille le 31 janvier 2008



Un conseil d'État met les choses au clair

Affaire Laruelle : les parents d’une fillette handicapée née en 1995 recherchent la responsabilité de l’Etat à raison du défaut de scolarisation de leur enfant dans un institut médico-éducatif à partir de la rentrée 2003.

- 2006 : Le Tribunal administratif de Versailles condamne l'État, qui fait appel
- 2007 : Décision annulée par la Cour administrative d'appel. Les parents saisissent le Conseil d'Etat.
- 08 avril 2009 : Le Conseil d’Etat juge que la carence de l’Etat en matière de scolarisation des enfants handicapés est constitutive d’une faute de nature à engager sa responsabilité et qu’une obligation de résultat s’impose : 

« le raisonnement fondé sur une simple obligation de moyens […] paraît contraire aux textes, mais aussi en rupture avec [la] jurisprudence. Il s’inscrit à rebours de l’évolution actuelle qui tend à renforcer le principe de l’insertion des personnes handicapées et à assurer l’effectivité des dispositions qui ont pour objet de le mettre en œuvre »

La scolarisation doit être effective : l'État est en faute si cette obligation n'est pas remplie, il en est responsable.



Un bémol sur la responsabilité de l'Etat, affaire "Labourier"

CAA, Lyon, 21 juillet 2009 

Les parents "Labourier" réclament la condamnation de l’Etat pour n’avoir pas scolarisé leur fils durant une période de deux ans. 

Au cours de cette période, ils refusent une proposition d'accueil non éducatif en externat 3 jours/semaines dans un établissement désigné par la Commission des Droits et de l'Education Spéciale (CDES, maintenant CDAPH).

Une partie de la responsabilité de l'Etat est rejetée, puisque celui-ci a proposé une structure d'accueil et que cela a été refusé.

→ Question : si pendant un recours contre l'État, la CDAPH désigne une structure d'accueil inadaptée aux besoins éducatifs de l'enfant, cela rend-il l'État moins responsable de son obligation de scolarisation ?


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